NoWane… Comment écrire sur le modèle qui se cache derrière cet homophone de « No one » sans risquer d’atteindre à son désir légitime de discrétion, et donc de liberté ?
Je pourrais décider de ne pas m’y tenter, mais la formidable expérience photographique partagée avec NoWane mérite d’être connue au-delà des résultats produits. Elle raconte en effet à sa manière l’un des traits les plus intéressants du processus de fabrication d’images : la rencontre des désirs esthétiques.
NoWane pose depuis peu de longtemps. Elle est au début d’une histoire avec la photographie qu’elle pourra mener très loin si elle le souhaite. Nous ne nous connaissions pas avant cette séance, et nos chemins se sont croisés parce que j’ai découvert quelques-unes de ses images et souhaité lui proposer de travailler ensemble, et parce qu’un photographe de Toulouse venait juste de lui parler de mes travaux (photographe que je remercie infiniment pour sa recommandation).
Comme bien souvent, la rencontre s’est faite dans un café du centre-ville. Et nous avons parlé. J’ai alors découvert une personnalité hors-normes. Plus je l’observais, plus je l’écoutais, plus elle acceptait de lever discrètement le voile sur ce qu’elle voulait bien me montrer, et plus une image se formait dans mon esprit. Celle d’une personne d’un autre temps, ou d’un autre monde.
L’âge de mes filles me permet de côtoyer les univers fantastiques des séries addictives dont elles se délectent, et dont les personnages sont autant de projections de leur propre imaginaire : loup-garou attirés par la condition d’être humain, super-héros adulés par les foules mais condamnés à la solitude, personnages éternellement jeunes rêvant de finitude, détenteurs de pouvoirs extraordinaires traversés du désir simple d’être aimés…
NoWane partage quelque chose avec ces êtres de fiction. Et s’il fallait lui trouver un scénario qui lui corresponde, ce serait celui d’une jeune fille devenue une très belle jeune femme mais convaincue depuis toujours d’être un animal dans une enveloppe humaine.
Et pas n’importe quel animal : un loup.
Elle conserverait de sa condition animale première certains traits qui se révéleraient de toute évidence non-humains à ceux qui comprendraient sa nature profonde. Pour d’autres, elle resterait une amie fidèle, une copine franche et honnête, une compagne fiable et engagée, une voisine discrète et responsable. Un modèle facile à photographier et au caractère « félin ».
Malgré ce que je peux écrire, je ne prétends pas connaître NoWane. Mais je crois comprendre que sa « personnalité animale », ou son identité totémique, a permis que se produise une rencontre esthétique. Elle a spontanément « senti » ce que je recherchais. Tout au long de la séance, elle a adopté instinctivement les postures qui donneraient les plus beaux résultats. Elle s’est emparée des poses dessinées pour la séance avec un incroyable sens mimétique.
Peut-être est-ce ici l’une des clés qui rendent possible la rencontre des désirs esthétiques : une mise en relation des structures élémentaires des personnalités d’un modèle et d’un photographe. Si tel est le cas, la rencontre, je pense, a eu lieu avec NoWane.
Modèle : NoWane (galerie Focale31 ici).